L’interview du patron de Bosch E-Bike System

1-EB-20422_Claus-Fleischer-790x526
Lors du salon Eurobike, nous avons eu la chance de pouvoir nous entretenir avec Claus Fleischer, directeur de la division E-Bike chez Bosch. Son discours est très officiel et ne rentre pas dans des chiffres de production ou l’aspect technique, mais il nous éclaire sur la vision stratégique du géant de Stuttgart.

EBN : Comment voyez-vous l’avenir des e-bikes ?
C.F. : Nous considérons que l’e-bike doit encore se développer par lui-même pour arriver à la prochaine étape qui est de se faire accepter par le public, ce qui sera non seulement marqué par le volume des ventes, mais surtout par leur proportion dans le marché global du vélo. Elle est par exemple de 20 % en Hollande, de 11 % en Allemagne, mais seulement de 6% en Europe. Nous voyons le marché s’agrandir chaque année, non seulement dans le Benelux, l’Allemagne et l’Autriche, mais également au niveau européen et international. Sur le long terme, avec nos partenaires nous voudrions qu’un tiers, voire la moitié, des vélos vendus soient des e-bikes.

EBN : J’ai lu que vous alliez ouvrir un bureau aux USA ?
C.F. : Oui, nous devons être là où le marché se trouve et pas à distance, c’est pourquoi nous avons déjà ouvert ce bureau en Californie, car c’est là que se situe la majorité des fabricants et magasins de vélos aux Etats Unis. C’est encore un petit marché, mais il nous montre des signaux positifs.

EBN : Est-ce que la grande différence entre l’Europe et les USA n’est pas les distances plus élevées pour les déplacements à vélo ?
C.F. : C’est pourquoi nous travaillons surtout dans des villes comme Portland ou San Francisco qui ont adopté le vélo, où il est déjà inscrit dans les habitudes de déplacement des citoyens, où les distances maison-travail sont relativement courtes. Même à Austin au Texas ou Boulder au Colorado, il y a beaucoup de pratiquants, de pistes cyclables et d’importants magasins, à qui nous fournissons des séminaires et ateliers pour les aider à développer l’e-bike chez eux.

Bosch eBike Systems_Intuvia Active Line Image 3

EBN : La réglementation n’est pas la même, par exemple en terme de vitesse limite.
C.F. : Pas seulement au niveau de la vitesse, il y a également la puissance du moteur. De ce fait, la réglementation place le vélo à assistance électrique au même niveau que les scooters électriques et des véhicules légers qui développent plus de puissance. Nous travaillons avec des avocats américains et nos partenaires de l’industrie US pour que l’e-bike soit réglementé de la même manière qu’en l’Europe. Nous avons besoin de cela partout dans le monde, qu’il ait une compréhension claire que l’e-bike reste un vélo comme les autres.

EBN : Etes-vous présent également sur d’autres continents comme l’Asie ?
C.F. : Nous avons récemment ouvert un bureau à Shanghai pour aider nos clients fabricants, assembleurs et la logistique pour le marché européen et américain. Il y a également un marché Asie-Pacifique, avec par exemple l’Australie qui a adapté sa réglementation au niveau de celle de l’Europe, puis il y a le Japon qui constitue depuis des années le plus gros marché dans cette région. Des marchés plus petits comme la Corée et la Chine affichent également un intérêt pour l’e-bike au standard européen.

EBN : Pourtant en Chine il semble que c’est l’e-bike premier prix qui s’impose, sinon ils préfèrent acheter une voiture qu’un e-bike haut de gamme.
C.F. : Oui et non, la population chinoise est énorme, il y a un marché potentiel pour l’e-bike au standard européen, mais cela prendra du temps avant qu’un véhicule à pédale soit à nouveau considéré comme un moyen de transport noble, alors qu’aujourd’hui c’est plutôt la voiture qui tient ce rôle en Chine.

Bosch eBike Systems_Intuvia Performance Line NYON Image 3

EBN : Revenons à l’Europe, comment y voyez-vous l’évolution des différents segments de l’e-bike ?
C.F. : Cette diversification n’est plus limitée et c’est une bonne chose. Il y a dix ans on ne trouvait que des vélos de ville et de trekking, pour un public de 60 ans et plus. Aujourd’hui il y a les VTT, des modèles enfant et même les BMX sont électrifiés. C’est le public qui s’est rajeuni qui explique cette diversification vers des e-bikes plus sportifs, car les gens cherchent à rester actifs tout en se faisant plaisir. C’est mon cas personnel, je faisais du VTT il y a 20 ans lorsque j’étais jeune et en forme, maintenant je suis parti pour continuer à prendre autant de plaisir en VTT électrique pendant vingt ou trente ans.

EBN : Comment voyez-vous l’avenir des S-Pedelecs (45 km/h), sera-ce un moyen d’améliorer la mobilité, d’ouvrir de nouveaux marchés ?
C.F. : C’est une catégorie à part, ce n’est plus un vélo, mais un véhicule électrique léger, comme le défini la norme européenne et cela implique le casque, le permis et l’assurance, ce qui agira toujours comme un frein à l’utilisation et le cantonnera à un marché plus restreint. Il faudra harmoniser la réglementation, encore trop différente dans chaque pays, pour arriver à ce que l’on a obtenu avec le 25 km/h. Par exemple, en Allemagne vous risquez le retrait de plaque si vous roulez dans les bois avec un 45 km/h. J’ai peur que si plus de gens le pratique, les gouvernements rendent la législation plus stricte. D’autre part, c’est compréhensible que pour concurrencer la voiture, le 45 km/h à plus de chance que le 25 km/h, trop lent, de convaincre le navetteur de passer au vélo, surtout au centre des villes, où la vitesse est limitée à 50 km/h, mais je crois que cela restera une niche.

EBN : Comptez-vous proposer des batteries avec plus de capacité que l’actuelle (400Wh) ?
C.F. : Un test d’un magazine suisse a montré que notre 400 Wh a un rapport poids/efficacité/autonomie de 10 à 20% supérieur à celles plus lourdes de nos concurrents. Nous sommes à l’écoute de cette demande pour plus de capacité et d’autonomie, nous comptons y réagir, mais sans aller trop loin.

1-EB-20309_Active Line_Gruppe

EBN : Y aura-t-il des progrès au niveau de la technologie des batteries, devenant plates comme dans les laptops et smartphones ou à l’hydrogène ?
CF : Nous analysons ce problème avec nos fournisseurs, pour savoir quelle conception apporte la meilleure densité d’énergie par cellule. Pour l’instant le type 18650 cylindrique est le plus efficace en terme de capacité et de prix, d’ici deux à trois ans il restera le concept dominant. Si vous optez pour une autre forme ou taille, vous perdez en rapport capacité/taille et en efficacité/prix. A propos de l’hydrogène et des autres technologies émergentes, c’est prématuré, nous ne pouvons pas assurer qu’elles remplissent tous les critères de fonctionnement et de sécurité. Mais nos ingénieurs y travaillent, car nous avons besoin de plus de capacité et de densité.

EBN : Certains constructeurs se plaignent de délais de livraison de vos nouveaux moteurs.
C.F. : Oui, nous n’avions pas prévus une telle demande pour les derniers modèles Active et Performance, nous avions compté sur plus de demande pour le précédent moteur Classic+ et cela nous a obligé à réorganiser et doubler toute notre production, de mêmes pour les livraisons de nos fournisseurs. Pour 2015 il n’y aura plus de retard.